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Ce document vise à explorer les interfaces à créer pour réussir la collaboration institutions/communs.

Histoire d'une recette de tarte tatin

Conte d'une mairie, qui préfère, pour inventer une recette et fabriquer des tartes à l'emblème de la commune, faire appel à un prestataire, plutôt que de s'appuyer sur les compétences d'une dynamique citoyenne qui fait ça depuis quelques temps dans la joie et la bonne humeur. Un médiateur arrivera il à relier citoyens et l'élu pour fabriquer une recette et des tartes ensemble plutôt qu'utiliser l'argent public à refaire ce que les gens font déjà sans soutien ?
Un collectif d'habitants anime chaque mercredi des ateliers de pâtisserie participative dans leur lieu partagé et font un gâteau, une tarte tatin, qui est vendue dans la foulée. Celle-ci attire de plus en plus de monde, avec des ventes de plus en plus importantes ! Le maire trouve l'idée géniale, et souhaite officialiser et instituer la tarte tatin comme spécialité du village, en profitant de la fête nationale ! Ce dernier a aussi en tête l'enjeu de visibilité de sa commune ainsi que sa réélection bientôt. Il missionne son directeur de service qui doit identifier une recette de tarte tatin de qualité, et va voir le collectif.

Du côté des habitants, cette tarte est chaque semaine un peu différente, car elle dépend des personnes motivées, bien que sa qualité soit de plus en plus au rendez vous et qu'une recette pourrait finir par se stabiliser. Pour cela, le collectif apprenant met la recette à jour (par exemple sur cuisine-libre.org :-)), permettant aux participants de l'améliorer au fur et à mesure ! La plupart du temps, la tarte est excellente, mais des loupés arrivent ! Il faut dire que le collectif fait ça avec très peu de moyens et est soutenu par aucun argent public et est encore jeune, avec des processus pas encore complètement stabilisés. Or c'est aussi en montrant qu'il y a de l'imperfection de la recette que le collectif attire des membres qui les aident à affiner chaque jour un peu plus la recette, profitant d'une grande diversité de compétences, le tout dans la joie et la bonne humeur (principe "Plus il y a de yeux moins y a de bugs" !)

L'argent gagné par les ventes permet néanmoins de financer l'activité de certains contributeurs et les charges de leur lieu partagé. La question que le maire se pose cependant c'est : est-ce qu'ils seront vraiment capables de produire une tarte tatin stabilisée et de grande qualité pour la date butoire de la fête ? Le maire joue là l'image de sa commune et la sienne sur ce projet, voir engage sa responsabilité. Il commence à être effrayé de s'associer avec ce collectif dont les résultats paraissent incertains, et travailler avec eux, c'est aussi s'engager dans leur processus collectif, sans pouvoir le diriger complètement et cela pour un moyen ou long terme ! C'est presque un mariage avec le collectif ! Cela l'inquiète, lui qui n'est pas de nature à laisser les choses or d'un certain contrôle.

Il préfère donc faire un cahier des charges très clair pour commander une recette de tarte tatin "professionnelle", qui réponde à un cahier des charges précis et fait donc appel à un prestataire d'une autre commune - un pâtissier d'un restaurant étoilé - et le paie assez cher pour cela.

Cela a d'importantes conséquences.

  • Le collectif est frustré car il a l'impression d'une récupération politique de leur idée et qu'au lieu de mettre des moyens à les soutenir à finaliser leur recette, ou même les amener à produire en plus grande quantité leurs tartes, ils n'ont pas de soutien financier et au contraire, ils sont concurrencés par de la vente de tartes gérées par la mairie, en lien avec le prestataire qui les fournit. Leurs propres impôts financent un prestataire alors qu'ils faisaient, en partie bénévolement, une partie du travail auparavant !
  • La production de l'étoilé n'est pas sous licence libre car ce dernier ne voit pas l'enjeu à le faire et considère que c'est son image de marque qui est en jeu. Cette dernière ne peut donc pas être reproduite localement par le collectif, ou les inspirer pour l'adopter dans leur activité de pâtisserie participative... Or c'est bien la recette du pâtissier étoilé qui est officialisée par la commune, plutôt que celle en cours d'affinage sur cuisine-libre. L'équipe de communication de la mairie a mis des moyens, ouvrant même un espace de vente dédié et c'est cette nouvelle tarte là que maintenant, les visiteurs souhaitent goûter (les gros moyens de communication ont invisibilisé le collectif et ses tartes, qui se vendent moins bien qu'avant)
  • Avec cette concurrence, le collectif n'arrive plus à générer de recettes comme avant sur leur activité de pâtisserie collective et de vente de tartes.
  • Au final, certains doivent aller travailler chez le prestataire, le pâtissier étoile, car ils ont besoin d'argent pour vivre, ce qui met encore plus en tension le collectif qui s'effondre.

Cette situation est emblématique de ce qu'il se passe souvent autour des communs, des relations entre la puissance publique et les dynamiques de communs.

Pistes de solutions

Comment laisser la liberté aux citoyens de produire leur propre tarte et faire que l'institution amène le financement à ces personnes

Mobiliser une interface humaine avec un-e "programmeur-se/médiateur" qui est neutre et comprend les deux positions. Tout en portant l'intention de construire des communs, cette personne arrive à sensibiliser le collectif et la mairie à adapter leur processus pour travailler ensemble et explore ces pistes de solutions :
  • Solution 1 : Le médiateur arrive à motiver le collectif à produire une recette stabilisée, en échange d'un soutien financier au collectif. C'est une solution délicate, car cela amène le collectif à se mettre en posture de prestataire. Si la contrainte n'est pas trop forte, cela peut fonctionner sans dénaturer la dynamique du collectif. Le collectif négocie que la recette puisse être mise à jour au fur et à mesure des apprentissages du collectif.
  • Solution 2 : Le médiateur mobilise le pâtissier étoilé à réaliser une recette stabilisée avec le collectif, tout en rémunérant autant le collectif que le patissier étoile, et le contrat inclue la libération de la recette trouvée.
  • Soution 3 : Pour la vente de tarte, la mairie motivé le collectif à produire autant de tarte que de besoin pour la mairie. Cela crée une pression sur le collectif. Si ce dernier se sent capable de gérer cette pression (le médiateur est là pour aider à identifier ce risque de pression), il s'engage à produire un nombre de tarte chaque semaine. Si il ne sent pas capable, la solutoin 4 est adoptée
  • Solution 4 : Un cadre permet d'aller mobiliser des contributeurs de la communauté locale à devenir prestataire de la mairie, plutôt que faire appel à un extérieur, et faire que ce contributeur-prestataire soit en réciprocité du collectif citoyen (x% reversé) duquel il a développé sa compétence (principe de la fresque du climat). L'avantage, c'est que ces prestataires-contributeurs ne font pas ça au nom du collectif. La pression et donc le potentiel échec à délivrer les tartes ne touchera pas le collectif, qui lui peut se concentrer sur sa raison d'être, qui est d'animer un processus apprenant autour de la patisserie participative.
    • En ce sens, des outils peuvent rendre transparentes les réciprocités pour que le fait que les participants du collectif deviennent prestataires soit bien accepté (voir pistes ici)
  • Solution 5 : Le médiateur amène la mairie à accepter que les tartes vendues soient imparfaites et de faire confiance au collectif ! Il officialise la spécialité de la tarte tatin comme celle qui sort chaque mercedi des fours du colletif mobilisé, même si la recette change toujours un peu . C'est aussi ce qui fait son charme ! Après tout, la société accepte que la plupart des solutions autour de nous soient imparfaites. Et des processus basés sur les corrections des erreurs "à posteriori" permettent aujourd'hui des projets utilisés par le monde entier, comme Wikipedia.

Remarques complémentaires :

  • Des recettes libres de tarte tatin ;-)
  • Dans le cas où, dans le collectif d'habitants, il y a des personnes impliquées dans des démarches de citoyenneté (porteurs de plus d'implication citoyenne des habitants, notamment les affaires de la mairie), ou si des personnes sont dans l'opposition de la mairie ou sympathisants de partis politique différents de celui du maire, la situation sera à analyser à un autre niveau, car elle dépendra de la capacité du maire à se mettre aux service de tous ses habitants, indépendamment de leur engagement politique.
  • L'institution n'aime pas les processus au résultat incertain. En même temps, elle a aucun souci à financer le monde des startup où une entreprise sur 10 seulement finit par percer.
  • "Plus y a de yeux moins y a de bugs" -> Idée de Eric Raymond 'Given enough eyeballs, all bugs are shallow" : Justement, en montrant l'imperfection du commun en cours, on attire les bonnes personnes pour corriger les soucis. Mais cela effraie l'institution.
  • Autre documentation sur ce sujet : https://fr.wikibooks.org/wiki/Construire_des_communs/Public

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